11.1 Tonalités
Il n'est pas difficile de trouver la tonalité d'un morceau de musique. Pour cela il suffit de regarder l'armature au début de la portée et de nommer les deux tonalités possibles: la majeure et la mineure relative. Néanmoins, il existe certains cas où il peut être difficile de dire avec certitude si une pièce est dans la tonalité majeure ou dans la tonalité mineure relative. Dans ce cas, après avoir déterminé les deux tonalités possibles (majeure ou mineure), il faut analyser les premières mesures de la pièce en prenant les facteurs suivants en considération.
1) La présence d'une triade de tonique ou de la tonique.
Nous vérifions la présence des notes appartenant à l'accord de tonique des deux tonalités, que ce soit dans la mélodie ou l'accompagnement. Une autre indication peut être la présence répétée de la note tonique. (Dans l'exemple de Schumann, l'accord de tonique de Ré majeur apparaît à plusieurs reprises).
Example en Braille
Exemple 1 en Ré majeur (Schumann "Papillons op.2 finale")
2) La présence d'un dièse sur la note sensible.
Dans une gamme majeure, la note sensible est située un demi-ton en dessous de la tonique et cette proximité crée une sensation de résolution naturelle vers la tonique. Dans une gamme mineure, cependant, la note sensible est située un ton en dessous de la tonique et donc elle ne procure pas la même sensation de résolution naturelle. Depuis des siècles, les compositeurs issus de la tradition occidentale ont ajouté un dièse à la note sensible plan dans les gammes mineures afin de parvenir à cette sensation de résolution naturelle. Si, dans la pièce observée, nous trouvons une note sensible avec un dièse alors nous pouvons être sûrs que nous sommes dans la gamme mineure représentée par l'armature (exemple 2).
Example en Braille
Example 2 en Sol mineur (Schumann "Faschingsschwank aus Wien op. 26-romanza")
La note sensible d'une tonalité mineure peut aussi restée non altérée si elle fait partie d'une mélodie descendante puisque ce n'est seulement quand on se rapproche de la résolution sur la tonique que la sensation de résolution se fait sentir. Dans ce cas, nous devons procéder dans notre analyse à l'identification d'autres cas d'utilisation de la note sensible de la tonalité mineure et si elles ne comportent pas de dièses, alors la tonalité est majeure. Pour plus de certitude, il est donc nécessaire d'identifier la note sensible de la tonalité majeure et de vérifier elle est effectivement utilisée pour résoudre sur la tonique de la tonalité majeure. (Exemple 3).
Example en Braille
Example 3 en La mineur (Suite Anglaise Bach no. 2)
3) Une succession des dominantes et toniques.
Une succession de dominantes et toniques (ou vice versa) donnera une bonne indication de la tonalité (exemple 4).
Example en Braille
Example 4 en La mineur (Suite Anglaise Bach no. 2)
4) Un dièse sur le 4e degré de la gamme.
L'ajout d'un dièse au 4e degré de la gamme (sous-dominante) est une indication claire de la tonalité. Le sous-dominante est parfois diésée pour créer une sorte de fausse note sensible à la dominante (5ème degré de la gamme). Il revient généralement très vite à sa hauteur d'origine, afin de souligner que c'est tout simplement un chromatisme de passage et non une véritable modulation. Dans l'exemple 5, en si bémol majeur, il y a un Mi (4e degré diésé de la gamme) qui résout sur la dominante (Fa) de si bémol majeur.
Example en Braille
Example 5 in the key of B flat major.
5) Autres gammes
La présence d'autres altérations chromatiques peut indiquer l'utilisation d'autres gammes telles que la gamme mineure mélodique, la gamme Napolitaine, la majeure harmonique etc. Dans l'exemple 6, de Schumann, le Sol bémol (6ème degré avec bémol de la gamme) indique la majeure harmonique de si bémol majeur.
Example en Braille
Example 6 en Sol majeur (Schumann op. 26-Finale)
11.2 Modulation
Le terme modulation indique le passage, au cours d'un morceau de musique, d'une tonalité à une autre. Une modulation est un événement important dans une pièce parce que la musique utilise maintenant une nouvelle gamme dans laquelle la mélodie et l'harmonie gravitent vers une nouvelle tonique.
Les notes les plus fréquemment modifiées dans une modulation sont le 4e et le 7e degré.
Ajouter un dièse au 4e degré d'une gamme majeure module la gamme vers la dominante de cette gamme. Par exemple, dans la gamme de La majeur, si le Ré est diésé, alors la tonalité passe en Mi majeur.
Ajouter un bémol au 7e degré d'une gamme majeure la module vers la sous-dominante de cette gamme. Par exemple, dans la gamme de La majeur, si le Sol dièse n'est plus altéré alors la tonalité passe en Ré majeur.
On peut ensuite identifier trois types de modulation:
- modulation vers les tonalités voisines ou étroitement liées
- modulation vers des tonalités proches
- modulation vers de tonalités distantes
1) Modulation vers les tonalités voisines ou étroitement liées.
Nous parlons de tonalité voisine si il n'y a pas plus d'une note qui diffère de la tonalité d'origine. Chaque tonalité comporte 5 tonalité voisines. A titre d'exemple, penchons-nous sur la tonalité de ré majeur qui a deux dièses dans son armature, et qui comporte les tonalités voisines suivantes:
| mineure relative | Si mineur |
| avec un dièse supplémentaire | La majeur |
| la relative mineure du La majeur | Fa# mineur |
| avec un dièse de moins | Sol majeur |
| la relative mineure du Sol majeur | Mi mineur |
2) Modulation vers les tonalité proches
Ces tonalités sont dites proches lorsqu'elles ont au moins un accord en commune avec la tonalité d'origine. Par exemple, la tonalié d'ut majeur a deux accords en commun avec la tonalité de ré majeur - l'accord de mi mineur et l'accord de sol majeur.
3) Modulation vers des tonalité distantes.
Les tonalités distantes n'ont pas d'accords en commun avec la tonalité originale. Par exemple si bémol majeur est une tonalité distante à l'égard de la tonalité ré majeur.
Le passage à une nouvelle tonalité peut, dans la plupart des cas, être reconnu grâce à une séquence harmonique bien identifiable dans la musique. Après cette transition, la nouvelle tonalité est presque toujours confirmée par des progressions harmoniques caractéristiques de la nouvelle tonalité.
11.3 Les techniques de modulation
1) Modulations utilisant une harmonie commune.
C'est une technique de modulation qui introduit la nouvelle tonalité non pas d'une façon brusque mais par l'intermédiaire d'un accord qui, s'il est commun aux deux tonalités, a des fonctions différentes dans les deux tonalités. Par exemple, pour moduler de Do majeur à Ré majeur, nous pouvons utiliser l'accord de Sol majeur (qui est la dominante de Do majeur et la sous-dominante de Ré majeur).
Example en Braille
2) Modulation chromatique.
Dans la modulation chromatique, une des notes dans la première tonalité change de manière chromatique afin d'introduire la nouvelle tonalité.
L'exemple suivant montre une modulation de do majeur en sol majeur en passant de Fa à Fa dièse, la note sensible de sol majeur (2e mesure). Puis, dans la 3e mesure, le Sol devient un Sol dièse, la note sensible du La mineur, la tonalité dans laquelle l'extrait se termine.
Example en Braille
Les techniques de modulation ne se arrêtent pas là. En fait, en regardant les œuvres des grands compositeurs, il est facile de voir qu'ils utilisent tous des approches différentes et originales de la modulation.